La tirade des auteurs

Un journaliste croît parachever son propos

D’une formule propre à éviter l’anathème :

 « Le capitalisme lavé de ses oripeaux

N’est-il pas encore le moins mauvais des systèmes ? »

                                                                                                                

Ah non ! C’est un peu trop court éditorialiste !

On pouvait écrire, tirés d’une belle liste,

Economistes et historiens…oh chers auteurs…

Des mots tout prêts à vous donner de la hauteur.

Marx : Un système de paupérisation des masses,

Il faudrait sur le point que je le renversasse.

Amin : Un seul diagnostic… la sénilité…

Quant au terme de l’échange règne l’inégalité !

Wallerstein parachève et entre dans la ronde

Pour nous annoncer la fin de ce système-monde.

Schumpeter : Le moteur de son évolution ?

Innover ! Créer ! Tant pis pour la destruction !

Pour sa fin ?  Nul besoin d’annoncer le grand soir,

La flamme de l’entrepreneur est sous l’éteignoir !

Hayek : Sans lui, quel horizon, quelle latitude ?

Au-delà, une seule route…celle de la servitude.

Weber : Le capitaliste manque-t-il d’esprit ?

Désenchantez ! Tous vos profits sont à ce prix !

Smith : Que dire du penchant naturel à l’échange ?

Tous gagnants, haut la main ! Personne ne perd au change !

Divisez le travail et ouvrez les marchés,

Les fruits de vos efforts en seront partagés !

Gorz : Aller au travail ? Pour quelle utilité ?

N’ai-je pas d’autres choix que cette domesticité ?

Baudrillard : Travail et loisir ne font plus qu’un,

Du temps ?  De la liberté ?  Il n’en reste aucun !

Marx, encore ! Gardons-nous de cette aliénation !

Un appel encore !... A la mobilisation !

Fourastié : Mais alors pourquoi travaillons-nous ?

Car la nature n’est pas une douce nounou !

Pour la récolte et la chaleur du feu dans l’âtre,

L’Homme ne peut compter sur cette dure marâtre.

Dumont : Qu’advient-il avec l’Homo aequalis ?

L’individu naît et l’économie s’esquisse.

Rosanvallon : Le capitalisme utopique

Fonde la cité marchande…Illusion politique ?

Polanyi : Point de salut sans institutions !

Encastrez ! Faîtes vœu de grande transformation !

Braudel : Histoire et géographie sont fécondes.

Oui ! Recentrons-nous sur les économies-mondes !

Marx, toujours ! Le libre-échange ? Belle vilenie !

Des crises toujours ! Encore un signe de l’agonie…

Keynes : A toute maladie sa thérapeutique !

A chaque fois, trois cuillères de dépenses publiques !

Cessons là Monsieur cet incomplet inventaire.

Rougissez de  votre faiblesse argumentaire !

Oui ! Vous auriez pu dans le premier dictionnaire

Choisir parmi les cassandres révolutionnaires,

Les thérapeutes progressistes et réformateurs,

Ou les chantres du marché et leurs détracteurs.

Pardonnez Monsieur ce déversement d’auteurs !

Citez au moins Sauvy pour être à la hauteur :

Si le capitalisme reste seul sur la table...

« C'est parce qu'il n'y a pas de remplaçant présentable ».

La tirade du nez

(Cyrano de Bergerac, Extrait de l’acte I, scène 4)
Cyrano répond au Vicomte de Valvert qui le provoque en lui disant : « Vous…. vous avez un nez… heu… un nez… très grand. »

Cyrano :

Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !

On pouvait dire... Oh! Dieu!... bien des choses en somme.

En variant le ton,-par exemple, tenez:

Agressif: Moi, Monsieur, si j'avais un tel nez,

Il faudrait sur-le-champ que je me l'amputasse ! 

Amical: Mais il doit tremper dans votre tasse !

Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap! 

Descriptif:  C'est un roc ! . .. c'est un pic ! . . . c'est un cap !

Que dis-je, c'est un cap ?. .. C'est une péninsule ! 

Curieux:  De quoi sert cette oblongue capsule ?

D'écritoire, Monsieur, ou de boite à ciseaux ? 

Gracieux:  Aimez-vous à ce point les oiseaux

Que paternellement vous vous préoccupâtes

De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? 

Truculent:  Ça, Monsieur, lorsque vous pétunez,

La vapeur du tabac vous sort-elle du nez

Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ? 

Prévenant:  Gardez-vous, votre tête entrainée

Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! 

Tendre:  Faites-lui faire un petit parasol

De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! 

Pédant: L'animal seul, Monsieur, qu'Aristophane

Appelle Hippocampelephantocamelos

Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os ! 

Cavalier:  Quoi, I'ami, ce croc est à la mode ?

Pour pendre son chapeau, c'est vraiment très commode! 

Emphatique: Aucun vent ne peut, nez magistral,

T'enrhumer tout entier, excepté le mistral ! 

Dramatique :  C'est la Mer Rouge quand il saigne ! 

Admiratif:  Pour un parfumeur, quelle enseigne ! 

Lyrique:  Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? 

Naïf:  Ce monument, quand le visite-t-on ?

Respectueux: Souffrez, Monsieur, qu'on vous salue,

C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue! 

Campagnard:  He, ardé ! C'est-y un nez ? Nanain !

C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain ! 

Militaire:  Pointez contre cavalerie !

Pratique:  Voulez-vous le mettre en loterie ?

Assurément, Monsieur, ce sera le gros lot ! 

Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot :

Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître

A détruit l'harmonie! Il en rougit, le traître ! 

- Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit

Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit :

Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,

Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres

Vous n'avez que les trois qui forment le mot: sot !

Eussiez-vous eu, d'ailleurs, I'invention qu'il faut

Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,

Me servir toutes ces folles plaisanteries,

Que vous n'en eussiez pas articulé le quart

De la moitié du commencement d'une, car

Je me les sers moi-même, avec assez de verve

Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.